10 octobre 2011

Deux, c'est l'même prix

Il va sortir sur consoles, c'est le moment de ressortir Crysis, le "meilleur FPS de l'année 2006". Ou était-ce 2007 ?

Je ne sais plus et peu m'importe réellement car j'avais un peu beaucoup passionnément détesté Crysis à son premier essai. La Nanosuit est une excellente idée, le jeu est super beau, le gameplay au poil, mais.... Je m'emmerde, moi, dans Crysis. D'ailleurs, ça n'a toujours pas changé. Juste, j'ai voulu aller jusqu'au glaçage de l'île et défourailler de l'alien biomécanique. Pour ça, néanmoins, il m'a fallu me farcir le "monde ouvert révolutionnaire" de ce FPS bancal qui a oublié d'être autre chose qu'une vitrine technologique.


Il est beau, la gestion de la physique est hallucinante, on peut tout faire péter, y'a des effets dans tous les sens, on en prend plein les mirettes.... Mais on joue pas vraiment.
C'est ça, ou alors je suis vraiment un gros bourrin. Moi, les FPS "à couloir", j'adore, je veux blaster du méchant par douzaines et faire voler des têtes.
Avec Crysis, je me suis trompé d'adresse : il n'y a pas beaucoup beaucoup d'ennemis (sauf en de rares points très précis), je lutte comme un bon pour réussir un headshot (le pire, c'est que souvent, même quand j'en réussi un, l'ennemi avance encore), et surtout, finalement, on n'est pas si surpuissant que ça, dans notre jolie combi moulante.

Toutefois, ceci n'est qu'accessoire, car plus que tout, c'est la fausse bonne idée du monde ouvert qui plombe l'intérêt de Crysis. Les distances à parcourir entre les objectifs sont éxagérément longues. Dans l'idée, ça me fait beaucoup penser à Boiling Point. Référence certes peu flatteuse, mais avec le nombres d'heures que j'ai passé sur le titre d'Atari, les similitudes sont frappantes. La différence ne vient en fait que de la nanosuit. Résultat, on passe la plupart de son temps à se planquer dans l'herbe et à avancer par palliers pour faire souffler le mode stealth pour ne pas se faire chopper par les petits groupes de quelques péquins éparpillés par-ci par-là sur la route. Et s'ils nous voient, on les allume en trois secondes (ou pas, ils sont parfois très très résistants), et plus rien... Parfois, on ne recontre même personne pendant des kilomètres. Palpitant.
Evidemment, tout n'est pas toujours lent et furtif dans Crysis, mais les missions à castagne se résument souvent à une série de morts passablement agaçantes sous une pluie de balles ou des obus tirés avec une précision chirurgicale par une rangée de tanks soigneusement planqués... Le monde ouvert n'y changera rien : c'est la guerre et on en prend plein la gueule parce que comme dans tout FPS qui se respecte, les ennemis ne voient QUE nous, quand bien même nous serions accompagnés. Frustrant.

FPS technique et tactique me direz-vous ?
Oui, certes. N'empêche que Crysis se balade, beau gosse, le cul entre deux chaises, sans savoir s'il doit être franchement sauvage (l'entrée de la mine) ou s'il doit être un Commando-like en vue subjective où l'on avance tapi dans les hautes herbes pour allumer un mec de temps en temps d'une balle en plein front.

Pourtant, c'est bourré de bonnes idées (la découverte en gravité zéro du vaisseau alien) et ça témoigne d'une réelle envie de bien faire, mais au final, ça ressemble à un brouillon, un coup d'épée dans l'eau (fort belle, d'ailleurs) qui, à l'image du Alone in the Dark sorti quelques temps plus tard (et déjà oublié, lui), tente de conformer la mode du monde ouvert à un style qui ne lui sied guère, avec en bonus le désormais traditionnel passage véhiculé, en tuture ou en hélico (et là encore, Crysis me rappelle très beaucoup Boiling Point). On peut choisir sa voie, aborder le problème de façon différente à chaque partie, mais à quoi bon quand, pour trois minutes d'explosions, on s'emmerde pendant dix ?
Le pire, c'est qu'on n'échappe pas pour autant à quelques passages contraignants ultra scriptés (le cul entre deux chaises, vous dis-je !) parfois particulièrement crispants lors de la seconde partie (la protection du chef d'équipe où on aligne de la Sentinelle-de-Matrix à la volée, la mission suivante en hélico...). Ne lisez pas ce que je n'ai pas écrit, appréciant une série comme Call of Duty (enfin, jusqu'à un certain point), les scripts, j'ai rien contre, mais dans Crysis, c'est particulièrement mal foutu. Crytek aurait de ce côté là des leçons à prendre en lorgnant du côté de chez Guerilla et de son explosive série Killzone, par exemple. (Ou, mieux, il suffirait de virer les scripts pour conserver ce qui fait réellement l'identité du jeu).

Au final, trop inconstant, Crysis se rangerait presque parmi ces "autres" jeux "modernes" à ambiance, de ces productions tapageuses qui veulent faire cinématographique et oublient sur la route d'être des jeux prenants et enlevés, d'autant plus qu'il s'agit ici de FPS, pas de jeu d'aventure. C'est d'autant plus con que le scénario, malgré son final quelconque, est plutôt chouette.

A ce titre, son stand-alone Warhead, malgré un scenario en mousse, s'en sortait autrement mieux, proposant de l'action à foison sans pour autant délaisser cette impression d'ouverture : ici, les "maps" sont couvertes d'ennemis, de choses à détruire, de coins où se planquer, on met sa combi à contribution, on peut la jouer fin sniper ou grosse brutasse, sans que la campagne ne perde en intérêt ou en intensité. CA, c'est du FPS Nouvelle Génération, mes enfants.
Il est plus court, certes, mais à comparer les maigres petites heures d'action non-stop de Warhead et les looooooooongues marches solitaires de Crysis, le choix est très vite fait. Pis aussi, l'un coûte quand même 50% moins cher que l'autre...

Pour autant, loin de moi l'idée de taxer Crysis de mauvaise production. Pour peu qu'on se prenne au jeu de la planquette et moyennant un certain temps d'apprentissage pour maîtriser la Nanosuit, on s'éclate vraiment. Mais, revers de la médaille, ses défauts n'en deviennent pour le coup que plus évidents. Warhead est déjà mieux géré et vu le potentiel, il y avait de quoi Crysis 2 avec une certaine envie.





Tiens, un hors-sujet en guise d'interlude :
Pour en revenir sur cette gestion plus ou moins hasardeuse du monde ouvert, le pire, c'est que les développeurs croient que c'est génial, ce type de jeux : Ubi Soft s'en est par exemple fait apôtre, Far Cry 2 proposait les mêmes qualités qu'un Crysis (armement sympathique, grandes maps, multiplicité des situations, et graphismes explosifs) tout en accentuant encore plus ses défauts à coup de respawn d'ennemis complètement débile, de longues traversées du désert en jeep, et d'objectifs répétitifs au possible -on fait, en gros, soixante fois la même mission-.

Je pense que tout ça, c'est la faute d'Assassin's Creed... C'est avec lui qu'a commencé la mode du "Wah le jeu il est beau. Il est grand aussi, on est (PRESQUE) libre. On y fait tout le temps la même chose, c'est chiant, mais il est beau, quand même, alors il est génial, on lui met 18/20". Tiens d'ailleurs, pour la blague, c'est aussi Ubi Soft qui l'a fait, celui là. Mais passons...






Mars 2011, Crysis 2 est là. Une attente finalement pas si fébrile que ça puisqu'entre les neuf trailers par jour que nous offrait EA et la beta multi qui marchait pas, l'envie de se la jouer Predator avec un fusil à pompe a vite disparue chez la plupart des joueurs.





Fini la jungle, place à la ville. On évitera soigneusement de porter la moindre attention au scénario, indigent, pour se concentrer sur le gameplay pas forcément super chouette et se voulant plus facile d'accès (multisupport oblige). La pauvre nanosuit a perdu de sa superbe : beaucoup moins tactique dans son utilisation du fait de l'automatisation des modes force et vitesse, elle fait directement écho à l'orientation beaucoup plus action du jeu (une évolution déjà entamée avec Warhead, ici poussée à l'extreme) : scripté, assisté, couloirisé, le level design de Crysis 2 porte là encore les stygmates du grand spectacle. Non que j'y voie un défaut obligatoire, certains jeux font ça très bien comme je l'ai déjà signalé, mais à l'image du premier volet, les gars de chez Crytek ne sont vraiment pas à l'aise dans l'exercice du FPS linéaire. En témoigne l'introduction d'une longueur effroyable et d'un intérêt tout au plus douteux. Faire nager son bonhomme dans un sous-marin qui coule, c'est autrement moins emballant qu'apprendre à utiliser sa nanosuit pour sneaker derrière quelques coréens.
Notez que je parle bien de FPS linéaire et pas de FPS "console". L'amalgame est vite fait (Medal of Honor et Call of Duty ont lancé le mouvement), mais ça n'a rien à voir. Dirigiste au possible, bardé de cut-scenes intrusives et de QTE, Crysis 2 entre de plein pied dans la catégorie et emprunte à tous les FPS cinématographiques de l'histoire, de pépé Half Life (avec ses mutés étendus par terre et ses tentes de secours crasseuses) à l'enfant prodigue Modern Warfare (un bon 50% du jeu se résume à accompagner des Marines dans des environnements qui explosent), sans jamais parvenir à un semblant d'identité propre (certains aliens ont même des chromosomes communs avec ceux d'Halo).

Les maps sont toutefois fort bien foutues et si elles souffrent du même défaut que celles du premier (ça finit TOUJOURS par une bataille rangée -ou alors je joue toujours aussi mal), il y a de quoi s'amuser : envoyer des tutures dans la tronche des gens, faire sauter des murets ou envoyer ad patres un affreux d'un stealth kill bien placé, y en aura pour tous les goûts. Le problème, c'est qu'on finit bien vite par tourner en rond : les possiblités tactiques -indiquées par les jumelles- sont réduites et souvent les même (passer sur le côté/par les égouts/rentrer dedans). Notez que l'IA est totalement absurde, capable de vous repérer à travers un mur alors que vous êtes invisible ou de vous regarder passer devant elle sans broncher. Question bug récurrent, il m'est souvent arrivé d'atteindre un checkpoint et de devoir deviner où était le suivant, la map refusant de se mettre à jour. C'est pas bien compliqué de s'y retrouver (c'est tout droit), mais ça a le don d'énerver très fort.

Toujours au rayon level design, Crysis 2 souffre du même défaut de rythme que son prédécesseur. Certains passages sont ininteressants au possible (la contamination de la nanosuit, la "visite" des installations de secours dans les egouts) et d'autres d'une difficulté improbable, comme cette phase en tank sur un pont où, inevitablement, on finira avec un obus sur le coin de la tronche après que notre engin fut réduit en cendres. Frustrant, comme tous les passages motorisés du premier volet. Notez d'ailleurs que sorti de ces moments où on sera obligé de piloter, faucher un véhicule ne servira strictement à rien : cinquante metres plus loin, il y aura forcement une barricade pour bloquer la route.

Le début du jeu n'est pas bien engageant.

Souris en main, vous comprendrez vite que sorti de sa linéarité accrue, Crysis se joue comme Crysis, peu importe le numéro que vous lui collez. Un bien ? Pas forcément. Le gameplay étant basé sur la succession furtivité/explosivité, la dernière étant l'inévitable résultante de la première, on finit bien vite par oublier de furtiver pour foncer dans le tas directement : les maps ne sont plus faites pour l'esquive à outrance et le combat frontal est beaucoup plus payant. Les gunfights ont de la gueule -spécialement contre les aliens- et ça pète de partout, mais encore une fois, le soufflé retombe très vite et l'impression de jouer à un démonstrateur de moteur graphique/physique prend le pas sur le jeu à proprement parler. C'est beau, mais il manque quelque chose pour qu'on s'attache à ces personnages basiques et cet univers pas original pour deux sous. On finit par jouer sans trop y preter attention, se contentant machinalement d'aller au checkpoint suivant. Et le héros muet, avec son nom ridicule (Alcatraz, quoi !), n'aide pas à se sentir concerné.

Le moteur, parlons-en. Le CryEngine 3 est performant, indéniablement, mais sur mon super ordi de 2008 devenu une brouette de 2011, l'HDR ne sert à rien et le bloom pique les yeux. Pire, ça scintille comme à la belle époque de la PS2 (attention, hein, j'ai pas dit "graphismes PS2", c'est super beau, mais ça scintille à mort quand même) et repérer les ennemis sur des textures hyper détaillées qui brillent devient particulièrement éprouvant pour la rétine.
Pour donner du grain à moudre au PéCéiste râleur déjà récalcitrant à l'achat d'un jeu "au gameplay console", le paramétrage répond à la même charte : il est purement et simplement IMPOSSIBLE de changer quoi que ce soit. Pas la moindre option graphique. Rien. Que dalle. Pour ça, il faut s'en remettre à la communauté, bien sympathique, qui proposait avant même la sortie du jeu un utilitaire pour soulager sa carte graphique et ses petits yeux fatigués. Aberrant.
Sorti de ces (gros) soucis techniques, Crysis 2 en met plein la tronche (même si sa physique fait peine à voir -notez en passant que le body awereness est inexistant, on a l'impression de flotter-). Le New York dévasté dans lequel on se balade est vraiment impressionnant (le level design très vertical aide pas mal) secoué qu'il est par quelques scripts à base de tremblements de Terre, et les gros machins volants qui vous survoleront parfois enverront voler des tonnes de trucs alentour. Le problème, c'est que cette overdose d'effets grand spectacle est accompagnée par une musique quelconque (pour ne pas dire mauvaise) et une mise en scène chaotique qui ne leur rend aucunement justice. Tout ça parrait donc finalement assez plat, accentuant le rendu "démo technique" du jeu malgré l'effort sans aucun doute sincère des programmeurs pour nous mettre au coeur de l'apocalypse.



Au final, pas grand chose ne ressort de Crysis 2 si ce n'est une immense impression de gâchis. Scénario risible, mise en scène bancale, gameplay dirigiste, le level-design donne envie d'explorer mais le jeu a perdu ce qui faisait la force de son grand frère et ses défauts, identiques (voire pires), n'en sont que plus probants. Reste un sentiment, toujours le même, prédominant : je m'ennuie.

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