17 octobre 2011

Witness history being (re)made

Si je vous dit "shoot'em up", il y a de fortes chances pour que les premières images qui vous viennent en tête soient celles d'un petit avion vert-de-gris au dessin de l'océan. Ce jeu, c'est 1942.


Nous sommes en 1984 lorsque Capcom, qui n'en est pas à son coup d'essai en matière de shmups, sort son premier vrai succès dans le genre. 1942 est un archétype du shmup japonais de l'époque : classique au possible, il reprend point par point la charte du parfait petit shoot, et sublime le tout par un level design d'anthologie. Car oui, 1942 a vieilli, mais il reste derrière la carlingue de ce vieux coucou des 80's l'essence même du shmup, le petit truc qui hypnotise le joueur : un défi de malade, un truc pour les 'coreux, les vrais.
1942 est DUR. Très. Le maniement de l'avion, sec au possible, y est pour beaucoup. A l'heure où les productions Cave (DoDonPachi , EspRaDe) nous ont habitués à des engins qui virevoltent, le "Super Ace" de Capcom à de quoi faire rire. Mais comme chez Cave, le maniement du p'tit n'avion ne serait rien sans le diabolique level-design qui va avec. On ne parlera pas ici de patterns de fous qui inondent l'écran, mais d'une précision chirurgicale. Les ennemis arrivent par vague, tirent finalement assez peu, mais sont nombreux, et leurs projectiles sont lents. En résulte un écran proprement constellé de petites boulettes de 3 pixels qui refusent obstinément de sortir du champ.
Pour nous aider, les power ups (3 + deux petits ailiers, pas de power bomb) ne seront pas de trop, surtout qu'il n'y a pas moins d'une trentaine de niveaux (heureusement assez courts) à parcourir. Des boss (parmis les premiers de l'histoire du shoot) viennent également rajouter leur grain de sel dans les ultimes niveaux. Notez qu'en cas de grosse galère, on peut faire un looping salutaire pour éviter quelques boulettes.
Un shmup roots jusqu'au bout des pixels dont le but, finalement, se résume à survivre au fil des niveaux en dégommant un maximum d'ennemis (il y a même un compteur à la fin des niveaux) et dans lequel on lutte autant avec la machine qu'avec soi : c'est dur, monotone, et la musique rend fou. Si, si.

Toutefois, s'il est indéniablement un jeu de qualité, 1942 est surtout connu comme le précurseur de la première grande série de shmups de l'histoire, une série qui traversera les styles et les décennies.


Il n'est donc pas spécialement étonnant de voir débarquer en 1987 une suite logiquement intitulée 1943.
The Battle of Midway (son sous-titre) est largement plus connu que son prédecesseur : des kilomètres d'océan bleu azur, une île par ci par là et des avions verts qui nous tirent dessus. En fait, c'est comme 1942? Ben oui, sauf que non.
Plus fin graphiquement, 1943 est aussi moins difficile ('fin ça reste costaud quand même) : il y a moitié moins de niveaux, la smart bomb fait son apparition et le looping disparait. Cose amusante, au fil des niveaux, on pourra désormais voler à deux altitudes, haut dans les nuages ou bas au raz de l'eau, et la bombe changera en fonction : un éclair dévastateur dans les airs, une grosse vague destructrice au raz des flots. L'armement évolue également : 3-way, gaitling, shotgun, missiles, il y en a pour tous les goûts. Notez aussi que la baisse de la difficulté est également rendue possible par l'apparition d'une barre de vie, qui baisse quand on se prend une bille, mais aussi, façon beat'em all, quand on utilise la bombe.
Dernier ajout et non des moindres, on peut désormais jouer à deux.

1943 est fort logiquement en tout points supérieur à son ainé et permettra à bien plus de joueur d'en profiter (d'où, à n'en point douter, sa plus grande reconnaissance), il reste néanmoins un jeu bien difficile (il y a en plus des objectifs parfois assez délicats à remplir au cours des niveaux) et profitera grandement de sa propre amélioration quelques mois plus tard.




1943 Kai sort en cette même année 1987. Pourquoi Kai ? Parce qu'il s'agit tout simplement d'une évolution de 1943 (si je n'dis pas de bêtises, "kai" veut dire quelque chose du style "améliorer"), assez subtile mais fort appréciable.
Le graphisme s'affine encore un peu (basiquement, les couleurs gagnent une teinte de dégradé), l'avion change de look, certains sprites sont completement revus, et la bande son ressemble enfin à quelque chose (mais c'est pas encore la panacée, faut pas rêver). Le gameplay, lui, a gagné en nervosité ce qu'il perd en accessibilité (et c'était déjà pas très accessible) : le jeu étant plus rythmé, l'écran est souvent rempli de boulettes jaunes, et ce dès les premiers niveaux. C'est tout simplement infernal.


Comme entre 1942 et 1943, Capcom prend une pose de 3 ans avant de revenir, mais cette fois en choisissant de remonter le temps. 1941 sort en 1990, et son sous-titre annonce sans détour : Counter Attack. Contre-attaque de quoi, on n'sait pas vraiment, à vrai dire, quoi qu'il en soit, Capcom a décidé de rompre ici avec la monotonie des épisodes précédents. Fini le grand océan, on va voir du pays.
Le graphisme a encore fait un bond en avant (on est passé sous CPS-2, ça aide), les décors sont nombreux et remplis d'éléments destructibles, les sprites jolis, et les boss monumentaux à l'image du bateau du stage 2. Au fil du jeu, ces derniers prendront des formes improbables, de la fusée au tank/grue gigantesque, donnant à 1941 des allures steampunks surprenantes mais réussies. Les autres engins ennemis ne seront pas en reste dans ce registre et les niveaux, variés, prendront des allures de plus en plus folles. Si ce n'était le petit avion des origines, on se croirait dans un autre jeu. Reste la bande son, point faible de la série. Les musiques sont quelconques et les bruitages, s'ils sont crédibles, auraient mériter plus de soin (l'alarme quand l'avion est proche de la mort, c'est insupportable)
Le gameplay non plus n'a pas bougé. Les power-ups restent peu ou prou les même et le jeu conserve le systeme de barre de vie de 1943, bien qu'elle soit beaucoup plus petite. Un ajout notable néanmoins : un tir à charge très utile (mais très bruyant). Question level-design, si le changement d'altitude a disparu, on peut maintenant s'amuser à slalomer dans des canyons.
De fait, avec son approche plus "simple" et son gameplay encore acceléré, 1941 est beaucoup plus facile d'accès que ses prédecesseurs, et pour beaucoup le meilleur épisode de la série.

Curieusement (ou pas, d'ailleurs), c'est après ce 1941 résolument novateur pour la série qu'apparait une série parallèle, Strikers 1945, développée par Psikyo. Je ne sais s'il y eut un quelconque accord entre les deux firmes, toutefois, même si les Strikers sont indéniablement des jeux Psikyo dans la plus pure tradition Psikyo (graphismes et items qui seront repris pour Gunbird, patterns tirant vers le manic), il est impossible de ne pas faire le lien. Un lien d'autant plus étroit que Capcom commandera à Psikyo quelques jeux, dont Cannon Spike, un "beat'em shmup" avec Cammy de Street Fighters dedans. Quoi qu'il en soit, je ne parlerais pas ici des Strikers, sachant que juste après le premier du nom, sorti en 1995, Capcom réalise 19XX (en 1996), poussant encore plus loin le délire de 1941.




19XX War Against Destiny ne laissait de toute façon entrevoir aucun doute quant à son orientation : avec la disparition des 40's, Capcom peut se laisser aller à toutes les folies. Les choses avaient de toute façon été bien entamées par Psykio. LA grosse feature de 19XX, le détail par lequel le jeu est connu, c'est les boss à tiroir. Oui, à tiroir, comme dans les Strikers. Il faudra souvent battre les boss deux voire trois fois pour en venir définitivement à bout, les bougres laissant de côté un morceau de leur carcasse défoncée pour revenir à la charge sous une nouvelle forme.
Question shoot pur, les 90's sont là : ça va vite, l'armement s'upgrade à toute vitesse et si les nuées de boulettes n'atteignent pas encore les proportions manic (quoique les derniers niveaux, c'est l'enfer), le déluge d'effets à l'écran y fait clairement penser. Le tir à charge affiche désormais des locks sur les ennemis et envoie une nuée de missiles/boulettes/whatever nettoyer une bonne partie de l'écran. C'est hyper efficace, et notre petit avion (au choix parmis 3, une première dans la série et emprunt là encore àStrikers) a vite fait de devenir surpuissant. Pour équilibrer un peu les choses, la barre de vie disparait et le level-design prend des proportions dingues : si le principe de la série (beaucoup d'ennemis, peu de boulettes) reste peu ou prou identique, la masse de sprites à l'écran transforme souvent ce joli petit monde coloré en trip sous acides. Le passage de la voie ferrée du stage 5, flashouilleux et speedé, en est le meilleur exemple.
Cette fois ci, un effort considérable est fait sur la partie son. Les bruitages sont excellents et les musiques, sans être mémorables, accompagnent parfaitement l'action. 1941 a ses défenseurs, mais le meilleur 19XX, c'est justement 19XX.

Après sa "Guerre contre la destinée", Capcom se retire de la course aux petits avions à hélice. Il y en aura bien un erzatz sélectionnable dans Gigawing en 1999, mais ça n'a rien à voir. La porte est alors ouverte pour les Strikers. Les épisodes II et III sortent en 1997 et 1999, tirant de plus en plus vers le manic, quand Capcom décide finalement de confier à Raizing la réalisation d'un nouveau 19XX.


A sa sortie en 2000, 1944 The Loop Master a de quoi étonner. D'une part pour son retour à une numérotation historique, mais aussi et surtout de par son style général. Le jeu est clairement un retour au sources pour la série : avion unique, décors maritimes et îles (des grandes îles, mais des îles quand même), boss certes gigantesques mais non transformables, Raizing cherche manifestement à bien tracer la limite entre les 19XX et leurs cousins Strikers. Et pourtant...
1944 profite de l'affichage (horizontal, une première pour la série) et du moteur de Mars Matrix (un gros manic signé Takumi sorti lui aussi en 2000, les deux jeux tournant, Capcom inside, sur CPS-2). Un détail qui a son importance car Raizing, c'est quand même la firme derrière Battle Garegga, la firme mère des manic shooters, la firme née, comme Cave, des cendres de Toaplan. Alors évidemment, 1944 est un gros shooter bourrin. Certes, on n'atteint pas les proportions d'un Dimahoo, sorti (encore) en 2000 par (encore !) Raizing et édité (encore !!) par Capcom, mais il reste derrière la façade old-school la volonté de faire un jeu des années 2000. Chose amusante, les patterns des jeux Raizing m'ont toujours fait penser aux patterns des jeux Psykio, et inversement. Pareillement, il y a aussi plein de petits trucs à ramasser pour les scoreurs modernes, comme dans Battle Garegga ou les Strikers. D'ailleurs, le jeu mise tout sur le scoring et n'a à proprement parler pas de fonctionnement scénaristique précis. On commence depuis le tarmac d'un aérodrôme, on se lance avec le looping signature de 1942-43 pendant que tout explose derrière nous, et c'est parti. Les stages (16 en tout, comme 1943) s'enchainent jusqu'à épuisement des crédits, et c'est tout. Cette particularité occasionne un loop, ou boucle, une pratique dont la parternité revient sans doute à Konami et à son Gradius qui consiste à relancer les niveaux de zéro une fois le jeu terminé, avec une difficulté accrue. D'où, vous l'aurez deviné, le sous titre Loop Master.
Pour que cela soit possible, l'armement évolue très rapidement, les smart bombs sont présentes et le tir à charge est dévastateur : sa forme, reprenant là encore le looping défensif des vieux épisodes, est tout aussi invincible qu'elle l'était à l'époque, permettant de diriger son tir tranquillou sans le moindre risque. En plus, on peut la charger en plusieurs fois, la barre ne descendant que très lentement si on n'a pas le temps de la remplir entièrement du 1er coup. L'attaque en deviendrait un peu trop efficace si Raizing n'y avait ajouté une limitation intéressante : après une charge au maximum de sa puissante, le canon surchauffe et la cadence de tir ralentit considérablement, obligeant le jouer à esquiver les tirs plutôt qu'à nettoyer l'écran. En parlant de petites choses sympathiques, lorsqu'on perd un crédit, le pilote s'éjecte et reste là un certain temps, à planer en parachute, jusqu'à ce qu'on vienne le rattraper avec l'avion du crédit suivant. Ce faisant, il lache une bonne demi douzaine de bonus divers qui permettent de repartir plus puissant encore que lorsqu'on est mort la première fois. Un fonctionnement typiquement manic, totalement inverse d'unGradius, par exemple, où on repart à poil si on meurt, et qui permet de passer avec un peu plus de facilité la difficulté sur laquelle on avait buté (ou "qui nous avait buté", c'est selon). Le jeu reprend également le systeme à barre de vie qu'avait laissé de côté 19XX.
Question ambiance sonore, tout est très soigné, du bruit des armes à la musique, délicieusement rock'n roll (et au style rappelant finalement  plus, jungle oblige, le Viet-Nam des 60's que le Japon des 40's).
Vertement critiqué, 1944 mérite qu'on lui porte de l'intérêt, ne serais-ce que pour la synthèse (pas toujours heureuse, il est vrai) qu'il fait de la série. C'est est un condensé de tous les 19XX, quelles que soient leurs versions : à l'habillage de 1942-43, il ajoute une vitesse et un gameplay résolument moderne le rapprochant d'un "Strikers Garegga". Mon préféré, c'est celui là.


Disparue depuis lors, la série des 19XX demeure toujours, avec ses hauts et ses bas, l'une des plus grande saga du shmup.


PS : oui, la vidéo du lien Gradius, c'est juste pour le fun, c'est n'importe-quoi.

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