23 octobre 2011

Droite à fond, frein à main, graviers...

Need for Speed Shift. J'ai adoré ce jeu. C'était fun, complètement pas sérieux malgré ses grands airs de fausse simu et son survirage prononcé. Sa suite, Shift 2 Unleashed, qu'il ne faut plus appeler Need for Speed, même si c'est écrit dessus et que l'accent est porté sur les équipes sponsors, ça fait des mois qu'elle se la raconte avec son nom à rallonge sur comment que ça va être la simu ultime et comment que c'est "the real racing experience". Ca faisait doucement rigoler, mais j'attendais de voir avec beaucoup de curiosité... Alors Shift 2 Unleashed, après une bonne quinzaine d'heures de jeu, qu'est-c'que ça donne ?

Shift 2 Unleashed, featuring every official "Team Need for Speed" EVER (ici en GT3)

J'ai fait très exactement 39% de la carrière (que ce soit clair dès maintenant : je n'irais pas plus loin) en zappant soigneusement le drift et en sautant le plus vite possible les petites catégories (en gros les cinq premières "compétitions", c'qui est effroyablement long) pour enfin accéder aux supercars, aux works (comme elle me tendait les bras, j'ai sauté sur l'occasion de me faire une Honda NSX comme à la belle époque du Super GT... enfin, une Acura de contrefaçon américaine) et, surtout, aux GT3 (pas débloqué le GT1, plus envie). Une fois en piste, pas de détails : c'est bien foutu, indiscutablement. Mais...

Notez avant toute chose que la vue casque ne sert à rien : ça shake de partout, ça blure à fond, on voit que dalle. Hop, vue capot, direct. Soudain, tout s'éclaire. La conduite est bonne, la physique étonnement efficace, et ça se comporte super bien en piste ('fin, c'est twitchy, hein, c'est pas des Twingos non plus, mais bonne chance pour spinner une R8 par exemple). Résultat, une fois qu'on commence à connaitre les circuits et les tutures, on tente des trajectoires de dingues à des allures de fou (ou inversement). Sauf que... l'IA est une plaie, genre brute sanguinaire qui veut se payer de la tôle froissée et du tonneau dans les bacs à graviers. Elle envoie dans les murs à TOUS les virages, impossible de faire un freinage correct quand elle est là. En supercars et en works, c'est la mélée. Quand on sait à quel point une Zonda (très chouette à conduire au demeurant) ou une NSX surboostée sont chatouilleuses, c'est super frustrant et on a tôt fait d'abandonner, la bave aux lèvres, la rage dans les yeux. En passant, offrir à sa machine une conversion works, aussi tentante soit-elle (voire nécessaire pour participer au championnat de la catégorie), équivaudra dans 100% des cas à la ruiner totalement. La traction est ridicule, le freinage risible et la belle tuture devient un poids mort indomptable qui se trimbale sans demander l'avis du pilote d'un bac à gravier à l'autre. J'ai essayé avec une bonne dizaine de voitures, sans résultat. Pour rire, j'ai même essayé les deux extrèmes du gameplay, en full-assist et en Elite : rien n'y fait, même avec l'assistance freinage/traction/ABS/whatever (une de plus et la voiture tourne toute seule), c'est n'importe-quoi.

Mais revenons-en à l'IA car, aussi surprennant que ça puisse paraitre, en GT3, on survole les débats. On avance tranquillement, peinard huit à dix secondes devant tout le monde (même en difficile, doubler est une formalité). Je ne sais pas si c'est parce que j'ai pris une Lambo (les Gallardo/Murcielago/Reventon sont indiscutablement les meilleures caisses du premier Shift), mais en tout cas, je peux vraiment faire attention à ce que je fais, et clairement, c'est beaucoup plus sympa comme ça. Tout seul. Et là, l'intérêt du jeu de course en prend un coup.

L'IA hyper agressive est d'autant plus agaçante que les courses sont très courtes, trois ou quatre tours maximum (cinq si on a d'la chance). Refaire son retard est totalement impossible. Mention aux courses "endurance", qui ont la bonne idée de mélanger les catégories (Supercars, GT, et des Radical pour mettre une touche de protos) et se courent sur vingt tours. Certes, pour de l'endurance, c'est ridicule, mais on passe au moins un temps convenable en piste.

Nous disions donc, trois tours... Et pas plus de cinq circuits par championnats, non plus, faut pas trop fatiguer le joueur. C'est d'autant plus couillon que les développeurss annonçaient fièrement "wai on a les licences des championnats GT 2010". Ben avis pour toi, monsieur le développeur : quand t'as la licence, tu fais au moins attention à faire un championnat qui se coure dans les bonnes conditions... Et sur les bons circuits, aussi, c'est mieux... Parce que bon, seulement cinq pistes et seulement trois tours, passe encore (c'est un GT-like, pas Race On, on peut à la limite "comprendre" -ça se voit l'ironie, là ?-), mais quand on fait tourner l'European GT3 à Spa alors que le championnat n'y pose pas les roues et qu'on oublie de modéliser le Paul Ricard, ça le fait moyen... Surtout quand il manque la moitié des voitures (la Morgan, quoi !)... Mais ça, c'est pour les
DLC, 'comprennez...

Remarquez, dans la liste des circuits, y a pas Abu Dhabi (manche d'ouverture du World GT1), donc je suppose sans trop prendre de risque que ce sera le même tarif sur le GT1. Alors certes, Shift 2 n'a jamais prétendu être "le jeu officiel" des tout nouveaux championnats GT (à demi-mot dans les soixante-quinze trailers, si, quand même), mais y a des limites. Du Granza Turismotorsport pur jus, en fait. Bah oui, dans GT et Forza, y a les Nascar, les Super GT et les V8 Supercars, mais y a pas les circuits des championnats concernés. Pardonnez moi, mais c'est quand même très con.

Heureusement, les circuits présents sont fort bien foutus, très animés (trop?) et c'est bourré de funambulismes urbains comme j'aime bien : on a accès à un erzatz délirant de Monaco répondant au doux nom de Riviera, un simili-Long Beach déplacé à Miami et on a même droit à de nouvelles variantes de l'excellent tracé Londonien du premier volet. Par contre, que vient faire le ridicule circuit de Shangai dans ce jeu ? Quitte à mettre une piste "procession" où doubler tient du miracle, y avait quand même des choix plus judicieux. (Macao, anyone ?) Rayon routiers "classiques", j'ai bien rigolé à Dijon (connaissais pas) et les serpentins japonais que sont Autopolis et Ebisu sont toujours aussi sympa. Seulement voila, la carrière tourne autour d'une petite dizaine de circuits et on fait vite le tour du machin. Refaire douze fois Silverstone (que j'aime pas, en plus) dans douze configurations différentes, ça va bien cinq minutes...Heureusement, le mode course simple vient sauver les répétitions (et on peut régler le nombre de tours).

http://image.jeuxvideo.com/images/pc/s/h/shift-2-unleashed-pc-1301496288-125.jpg
Vue "Jason Bourne" + blur + HUD surchargé qui clignote de partout = joueur qui voit rien.


En bref, faut pas s'tromper sur la marchandise. En terme GranzaTurismotorsportesque, la leçon du premier Shift est apprise. Shift avait encore la gueule d'un NFS, fun et débridé, sa suite plus du tout. Unleashed est un jeu de bagnoles bien moderne, avec une progression effroyablement lente, des voitures de séries pas décorées (j'ai heureusement trouvé un patch pour corriger cette hérésie), des tonnes de coupures vidéos "je te tiens par la main" avec des stars ('ricaines, que personne connait et doublés à la hache) qui expliquent aux neuneus comment on joue, de l'expérience, du fric à ramasser et une liste inutilement longue de charettes à acheter. Ca fait son job et, mine de rien, c'est beaucoup plus challenging que GT et Forza niveau conduite, tout en n'ayant strictement rien d'une simulation. Les simeurs qui attendent ce jeu vont se marrer, c'est clairement monté pour se jouer au pad. Toutefois, la conduite est bonne, vraiment, et une fois qu'on a accès aux voitures intéressantes et qu'on tweake un poil les réglages (on peut aussi s'amuser à modder comme des fous), les tours s'enchainent rapidement. Le problème, c'est que comme dans tout GT-like qui se respecte, y a aucune ambiance, c'est fade et froid. La carrière n'a strictement aucun interet et on se retrouve à accumuler les courses simples.


Trop hype pour être honnête, Unleashed est terriblement décevant malgré la qualité indéniable de sa physique et des sensations de conduite (du moins quand l'IA ne vient pas vous envoyer dehors). Au risque de passer pour un taré, rayon jeux pour collectionneurs de tutures et d'épreuves, je garde toujours une préférence pour Grid. Ca fait pas semblant d'être une simu, c'est fun, et même si c'est sur trois tours, j'ai au moins l'impression de vraiment faire la course, même dans les p'tites catégories.




Il me faut ajouter une chose, cependant, car sur les routes accueillantes mais difficilement praticables de Shift Unleashed, il y a bien quelques tronçons qui appellent au joueur. Les Retros et dans une moindre mesure les Muscle Cars sont des classes qu'on voit de plus en plus dans les jeux de courses, et elles le méritent bien. Pas franchement évidentes à prendre en main, les machines des temps d'avant sont des monstres avaleurs de bitumes aux gueules patibulaires. Wai, carrément. Qu'on soit drag racer 'ricain ou rallyman italien, y en a pour tous les goûts et le challenge proposé est à la hauteur de la réputation des engins. Alors certes, on pourra trouver refuge sur des modèles plus récents comme des Supra de 1995 ou des Corvette Z06 aux roues arrières surdéveloppées, mais rien dans Unleashed n'est comparable à un virage négocié comme un ours, le cul en travers, avec une minuscule Golf Mark I ou une grosse Shelby des familles. Ca tient pas la route, ça fait un bruit de tous les diables et c'est d'une solidité assez incroyable. Mieux, pour une fois, l'IA parrait au niveau et aller au contact cesse d'être inutilement pénalisant. A se demander comment les collisions des autres véhicules sont gérées...


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[Addendum]
Ce test date du 30 mars et contrairement à ce que je prévoyais, je joue toujours à Shift 2. Je n'ai toujours pas avancé en carrière mais j'ai largement profité du online et des DLC (gratuits sur PC), pris le temps de soigneusement apprendre à drifter (et j'aime beaucoup) et, surtout, passé des heures à bidouiller les réglages pour convertir une voiture (en l'occurrence la NSX Works sur laquelle je pestais en début d'article) à ma main. Je l'utilise intensivement en hotlaps en ligne. Elle est pas très efficace mais elle est devenue extrêmement agréable à piloter.
Des tonnes de trucs m'énervent dans Shift 2 mais aucun n'a réussi à m'empêcher de prendre mon pied, seul en piste face au chrono (ou en drift). La conduite est vraiment grisante, il suffit simplement de se débarrasser de l'IA. Je le bashe abondamment tant son contenu est décevant, mais son gameplay est trop bon et la liste des "jeux réalistes" sur PC trop restreinte pour passer à côté... Avant peut-être de plonger à pieds joints dans le grand bain d'un GTR2 ?

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